Suite aux problèmes récurrents de gouvernance du Rugby français (professionnalisme déguisé, racolage des clubs, luttes intestines au sein de la FFR) et aux brutalités constatées lors des matchs internationaux et dans le championnat, les britanniques décidèrent en 1931 d’exclure la France du Tournoi des Cinq Nations. Ci dessous deux articles: l’un du «Midi Olympique» de février 2016 et mars 2021 de Jérôme Prévot qui relate en détail les raisons de la décision, l’autre du «Miroir des Sports» du 23 avril 1930 de Marcel de Laborderie, un compte-rendu du match France/Galles. Le journaliste semble imputer les brutalités aux deux camps. Les choses ont bien changées depuis… et c’est tant mieux.
Quand la France était virée du Tournoi
« L’Équipe« >Midi Olympique->https://www.midi-olympique.fr/article/20633-quand-france-etait-viree-du-tournoi] » du 22/02/2016 En 1931, onze mois après le France-Galles le plus méchant de l’Histoire, les britanniques osèrent l’impensable: exclure les turbulents et vulgaires Français du Tournoi. Notre rugby faillit bien en mourir. Il mit seize ans à s’en remettre et garda en tout cas très longtemps les stigmates de cette sanction. On a tendance à pleurnicher avec nos problèmes de calendrier, de droits télévisés, de budgets sur la corde raide. On en oublie parfois que ce n’est rien à côté de ce qui s’est passé voici quatre-vingts ans tout juste, quand le rugby français a traversé la plus grave crise de son histoire. Un coup de Trafalgar sous la forme d’une lettre arrivée par la poste au matin du 2 mars 1931 au siège de la FFR. Les quatre fédérations des Home Unions annonçaient la suspension de leurs relations avec le rugby français: «Au vu des conditions peu satisfaisantes dans lesquelles le rugby-football est dirigé et joué en France, ni nos fédérations, ni les clubs dépendants de notre juridiction ne pourront organiser de match avec la France ou les clubs français.» S’ils avaient voulu être lapidaires, les British auraient pu tout résumer dans une formule: «Vous êtes virés du Tournoi.» L’affaire couvait depuis près d’un an, depuis le 21 avril 1930 après le France-Galles le plus sanglant de l’Histoire. 11-0 pour les Gallois à Colombes devant 44 000 personnes qui avaient laissé 622 500 francs de recette au guichet. C’est dire l’engouement. Il y avait même eu un trafic de faux billets. Mais ce France-Galles fut surtout une énorme partie de manivelles, un festival de mauvais coups qui devait coûter très cher au rugby français, une pénitence de seize ans. Hubert-Charles Day, talonneur de Newport, réclama neuf points de suture pour se remettre d’un coup de pied au visage de Jean Galia. Il avait les lèvres en feu. Quelle vision d’apocalypse pour les tenants d’une certaine vision du rugby.

Journal

Premier Président de la FFR,
de 1920 à 1928.

Ancien international gallois, président de la WRU de 1906 à 1947.

Industriel, maire et conseiller gén. de Quillan en 1929, président de l’USQ


Ancien international,
Ministre des Sports sous Vichy.
APRÈS UN MATCH SANS MERCI, LES GALLOIS TRIOMPHENT, PAR 11 POINTS A 0, D’UNE ÉQUIPE DE FRANCE DÉPOURVUE DE TROIS-QUARTS DE CLASSE
LE MIROIR DES SPORTS – du 23 avril 1930 Rarement une rencontre internationale fut disputée avec autant de violence par les deux groupes d’avants. A la suite de cette défaite nos représentants perdent la première place du tournoi international.
23 avril 1930
Lundi, les avants français se dépensèrent farouchement pour tenir leur rôle de préparation, mais la médiocrité des trois-quarts, la pauvreté étonnante de leur jeu de ligne réduisirent à néant ces efforts accomplis en vain.
Devant l’impuissance des lignes arrière il restait une ressource au capitaine de l’équipe de France: c’était de donner plus d’ampleur au jeu d’avants, de procéder uniquement par touches longues, par passes rapides, par déplacement de jeu; mais entraînés dès le début à fournir un jeu serré, heurté, violent, les avants français ne surent pas se libérer de l’étreinte adverse: jusqu’à la fin, le jeu resta cantonné dans d’étroites limites, où se mirent à nu, avec une inconscience écœurante, les instincts de brutalité de quelques-uns. Surexcités par une atmosphère de bataille, les joueurs se laissèrent aller à des gestes de violence insensés: les poings n’étaient plus suffisants pour briser l’opposition adverse; c’est par coups de pied dans les côtes ou dans la figure qu’essayaient de prendre l’avantage certains joueurs gallois ou français. Ainsi se caractérisa cette rencontre internationale tant attendue, dont l’enjeu — aussi important fut-il — ne pouvait légitimer l’emploi de pareilles violences.
La première mi-temps avait déjà démontré la faiblesse des trois-quarts français; il est vrai que Magnanou, diminué physiquement par sa blessure au genou, se partageait avec Graciet le rôle de demi d’ouverture, que Ribère tenait en renfort la place de trois-quart centre. Ces diverses dispositions ne pouvaient que créer une certaine confusion dans la ligne d’attaque française: on espérait donc qu’elle se dissiperait dès la deuxième mi-temps à la faveur de la décision prise par le capitaine de placer l’ailier Taillantou au centre. Magnanou à une aile, en laissant à Graciet le soin de jouer demi d’ouverture.
Mais il n’en fut rien et l’avance prise par les Gallois à la première mi-temps, grâce aux trois points d’un essai marqué par l’avant Skym, ne paraissait pas devoir être comblée facilement par les nôtres. Seul un coup franc botté magnifiquement de la touche par Ambert faillit amener les deux équipes à égalité. La deuxième mi-temps se poursuivit avec une violence croissante; les deux équipes étaient visiblement désireuses de gagner à tout prix: l’une, celle des Français, cherchait, coûte que coûte, à s’attribuer par une victoire la première place du tournoi; l’autre, la galloise, défendait le pavillon britannique menacé dans son prestige. Mais, dans ce choc brutal de volontés exaspérées. l’équipe galloise conserva seule le contrôle de ses gestes: avants et trois-quarts continuèrent leur action et le jeu continua de se dérouler à l’avantage des Britanniques. Deux drop-goals, traduisant ainsi leur supériorité d’ensemble, portèrent la marque à 11 à 0 en faveur des Gallois.
Le premier fut le point final d’un mouvement d’ensemble, remarquable par la pureté de son style et l’esprit d’à-propos qui l’anima. Une attaque par passes ayant échoué a quelques mètres des buts français sur la touche gauche, le ballon, rapidement talonné par les avants, fut livré au demi de mêlée gallois Powell, qui d’une longue passe déplaça le jeu et servit son coéquipier Williams. L’attaque se poursuivit sur Morgan, qui, face aux poteaux, renonça à poursuivre l’offensive sur l’aile droite garnie de défenseurs et botta avec succès.
Le second fut, quelques minutes après, l’œuvre de Powell; le demi gallois, visiblement soucieux de reposer ses coéquipiers par de longs coups de pied en touche, désireux de ne plus lancer ses lignes arrière où Williams «groggy» ne pouvait plus tenir sa place avec sûreté, tenta directement, au sortir d’une mêlée, un drop-goal et le réussit.
Du coup, la victoire était bien acquise aux Gallois; elle leur revint en définitive par 11 à 0, malgré un beau retour, dans les dernières minutes, des joueurs français: un essai marqué par Gérald, à la suite d’une attaque collective, fut refusé par l’arbitre, M. Hallewell, on ne sait pourquoi. Il est vrai qu’en dehors de cet incident, d’ailleurs sans influence sur le résultat, M. Hallewell arbitra avec maîtrise un match pourtant difficile à diriger. Cinq fois, M. Hallewell arrêta le jeu pour faire des observations à des joueurs français ou gallois; c’est la première fois à notre connaissance, que, dans un match international de rugby l’arbitre a besoin de rappeler les joueurs à une plus saine conception du jeu.
Nous avons dit tout le mérite des avants français, dont l’énergie se déploya jusqu’à la dernière minute. Une fois de plus, Galia y tint la place la plus brillante; le Quillanais domina tous ses partenaires et rivaux par la puissance de ses départs, ses percées, son efficacité. Ribère, fortement contusionné à une épaule en première mi-temps, ne joua qu’un rôle effacé; Ribère, joueur fin, ne pouvait d’ailleurs que mal s’accommoder de ce jeu brutal. Choy se mit en évidence par quelques bons départs. Bioussa, violent, irritable, fournit un jeu destructif sans merci.
Les demis gallois dominèrent leurs vis-à-vis. A la mêlée, Powell joua, au début, avec nonchalance, mais par la suite avec une rare intelligence. Ses passes, renversées étaient exécutées avec rapidité: il est vrai que les trois-quarts gallois ne surent pas profiter des avantages que leur assuraient le bon talonnage des avants et l’action avisée de Powell; pourtant, le blond «Cantab» Morgan et son coéquipier Davey amorcèrent souvent des mouvements variés, mais leur jeu manquait de fini.
A l’arrière, Piquemal, irrégulier, fut toutefois aussi sûr que son vis-à-vis Scourfield.
MARCEL DE LABORDERIE.3
Les deux équipes étaient ainsi composées: ÉQUIPE DE FRANCE. — Arrière: Piquemal (Tarbes); trois-quarts: Taillantou (Pau), Gérald (R.C.F.), Graciet (A.S. Bourse), Samatan (Agen); demis: Magnanou (Av. Bayonnais), Serin (Béziers); avants: Bioussa (Stade Toulousain), Galia (Quillan), Ribère (Quillan), Camel (T.O.E.C.), Majérus (Stade Français), Choy (Narbonne), Ambert (Stade Toulousain), Bousquet (Albi). ÉQUIPE DE GALLES. — Arrière: Scourfield; trois-quarts: Jones, Davey, Morgan, Boon; demis: Williams, Powell; avants: Jenkins, Day, Arthur, Lemon, Jones, Fender, Peacock, Skym. Trois photographies qui donnent une idée de la violence du match et des nombreuses irrégularités de jeu, imputables autant aux Gallois qu’aux Français. Les 52.000 spectateurs qui purent pénétrer dans le stade furent péniblement impressionnés par la brutalité de la partie.


Le 1er janvier 1930 contre l’Ecosse (France b. Ecosse 7-3). De g. à d., debout: Bioussa (ST), Bigot (USQ), Ambert (ST), Camel II (TOEC), Choy (RCN), Majérus (SF), Galia (USQ), Jacques Muntz (FFR) Accroupis: Houdet (SF), Gérald (RCF), Serin (ASB), Piquemal (S.Tarbais), Ribère (cap. – USQ), Magnanou (Av. B), Baillette (USQ), Samatan (SUA).
